
Avant de te parler de l'atelier philo pour les maternelles, j'aimerais te parler des bienfaits de la philosophie pour les enfants. Tu trouveras l'atelier plus bas sur la page, je te présente l'activité pour savoir comment l'animer et quels sont ses objectifs.
Tu trouveras aussi un lien pour télécharger ton atelier avec tout le matériel nécessaire pour animer ta séance, et je t'offrirai 2 ateliers surprises 🎉.
Aujourd’hui, il n’est plus rare d’entrer dans une classe de maternelle et d’y voir se dérouler un atelier philo. Depuis 2015, les programmes scolaires intègrent pleinement l’apprentissage du philosopher dès le plus jeune âge.
Que ce soit pour former des citoyens éclairés, améliorer le vivre-ensemble ou favoriser l’autonomie de la pensée, les enseignants s’y intéressent et s’informent pour introduire cette pratique dans leur classe.
L’atelier philo en maternelle, souvent préconisé dès la moyenne section, répond aux besoins des enfants d’explorer le monde et de comprendre les relations avec les autres. Mais qu’est-ce que philosopher en maternelle ? Comment instaurer cette pratique avant même le CP ?
Pratique de la philosophie en maternelle : tour d’horizon
Genèse de l’apprentissage à philosopher
La pratique de la philosophie à l’école primaire est relativement récente. Les premières initiatives ont en effet vu le jour dans les années 1970 à travers le monde.
Lorsque l’on parle de philosophie pour enfants, le nom de Matthew Lipman revient souvent. Ce philosophe et pédagogue américain est l’un des premiers à avoir mis en place un programme structuré de philosophie pour enfants en 1969. Il a instauré les communautés de recherche au sein desquelles les enfants apprennent à penser de manière critique et autonome. Lipman a également rédigé des contes philosophiques pour enfants et a conçu des guides pédagogiques pour accompagner les enseignants.
Mais saviez-vous que la philo pour enfant avait été la préoccupation d’une inspectrice de l’éducation nationale à la sortie de la Seconde Guerre mondiale ? Germaine Tortel a en effet développé une pédagogie de projets appelée pédagogie d’initiation qui visait à développer chez l’enfant des compétences langagières remarquables : questionner, échanger avec les autres et formuler des hypothèses. Son objectif était de préparer les enfants à devenir des citoyens actifs, ouvrant ainsi la porte aux questionnements philosophiques, sans mettre en place de dispositif formel.
Dans les années 1990, Michel Tozzi, professeur de philosophie, a analysé les retours des enseignants de terminale sur les difficultés de leurs élèves avec la dissertation. Il a identifié trois compétences essentielles à développer dès le plus jeune âge : problématiser, conceptualiser et argumenter. C’est de cette analyse qu’est née la Discussion à visée démocratique et philosophique (DVDP), une méthode qu’il utilise pour initier les enfants à la réflexion philosophique.
En 1996, Jacques Lévine, docteur en psychologie et psychanalyste, a cofondé l’Atelier de Philosophie AGSAS® avec Agnès Pautard et Dominique Sénore. Ces ateliers, destinés en particulier aux enfants en difficulté scolaire, visent à renforcer la confiance en soi pour leur permettre d’occuper une place valorisante dans la société.
En 2016, l’UNESCO a créé une chaire sur la pratique de la philosophie avec les enfants, coordonnée par Edwige Chirouter, professeur de philo à l’université. Elle met en avant l’importance de la philosophie pour développer l’esprit critique, les compétences démocratiques, l’empathie et l’ouverture aux autres. Elle souligne également que la littérature jeunesse est un excellent support pour ces ateliers.
Depuis, la pratique n'a jamais cessé d'évoluer notamment grâce à des philosophes et pédagogues qui ont su percevoir le grand intérêt de débuter la philosophie dès le plus jeune âge. Intéressons-nous aux atouts de la philo pour les enfants de maternelle.
Les enjeux des ateliers philo avant le CP
La pratique de la philosophie en maternelle offre des avantages considérables, tant sur le plan du savoir-être, essentiel pour le vivre-ensemble, que sur le développement des compétences de pensée et d’expression. Elle permet aux enfants de progresser dans leur réflexion en échangeant et en confrontant leurs idées, transformant ainsi une simple discussion en une véritable discussion philosophique.
apprendre à penser par soi-même et avec les autres
L’essence même des ateliers philo est d’apprendre aux enfants à penser par eux-mêmes, tout en nourrissant la réflexion collective. Ces moments leur permettent de questionner, de réfléchir et de construire leurs connaissances. Grâce à l’échange avec le groupe, l’enfant devient acteur de son propre apprentissage, développant à la fois sa réflexion personnelle et sa capacité à trouver des solutions.
manipuler le langage
Le langage, et en particulier le langage oral, est au cœur de ces ateliers. Il est à la fois l’outil et le vecteur principal de l’expression et de la pensée. Cet apprentissage du philosopher en maternelle répond parfaitement aux objectifs fixés par les programmes, qui visent à « pratiquer divers usages de la langue orale, comme expliquer, questionner et proposer » et à « communiquer avec les adultes et les autres enfants en se faisant comprendre », deux compétences essentielles attendues en fin de maternelle.
Il ne suffit pas de maîtriser des mots pour bien exprimer ses idées : il faut aussi savoir les organiser afin de rendre sa pensée claire. Les interactions lors des ateliers philo sont des moments privilégiés où les enfants apprennent à s’exprimer avec un langage oral précis et syntaxiquement correct, répondant ainsi aux attentes du cycle 1. Le développement du langage facilite la structuration et la cohérence de leurs idées.
devenir citoyen
Les ateliers philo participent à la construction d’une conscience citoyenne, l’un des objectifs du « devenir élève » des programmes officiels de 2015.
L’adulte ne se positionne pas en tant que détenteur de la morale universelle, mais plutôt comme un guide qui mènerait les enfants au débat et à la confrontation d’idées pour que les enfants prennent conscience des grands principes nécessaires à la vie en société.
Mettre en place un atelier philo maternelle : pistes à suivre
Conseils pratiques pour apprendre à philosopher aux enfants
Comment l’enseignant peut-il encourager les enfants à penser par eux-mêmes ? C’est justement l’objectif des ateliers philo.
L’idéal est de les organiser en demi-classe, pour favoriser la participation de chacun. En maternelle, le décloisonnement est souvent un moment opportun pour introduire la philosophie. Le coin regroupement, lieu propice aux échanges, est parfaitement adapté pour animer ces ateliers au sein d’une classe de maternelle.
Pour que la démarche soit bien comprise et assimilée, il est important de mener ces ateliers de manière régulière. Une vingtaine de minutes semble être un temps raisonnable pour mener un atelier avec des enfants de moins de 6 ans. Il faut bien évidemment garder une certaine souplesse en fonction de l’âge des élèves, de la question philosophique posée (certaines sont plus propices aux échanges fluides et animés), et des activités proposées.
Au cycle 1, il est judicieux d’aborder la philosophie de manière concrète, en intégrant des activités interactives et laissant place à la manipulation. Cela capte l’attention des élèves tout en rendant l’atelier plus dynamique.
Instaurer des règles claires est également essentiel pour garantir le bon déroulement de l’atelier : écouter celui qui parle, avoir le droit d’être d’accord ou non, et ne pas être obligé de prendre la parole.
Les rôles ne sont pas toujours faciles à proposer en maternelle et sont souvent plus souples que ceux proposés en élémentaire. Par exemple, celui de donneur de parole, guidé par l’adulte, peut consister à la distribuer de façon démocratique.
Une séance de philo à mettre en place en maternelle
Des thématiques suscitent davantage l’engagement des enfants en maternelle. Nous pourrions citer celle des émotions qui est incontournable à explorer avant l’âge de 6 ans.
Nous vous proposons de l’aborder ici comme un moyen de travailler une habileté de pensée.
L’atelier présenté ci-dessous a un double objectif :
Le travail de la pensée autonome qui est essentiel à un âge où l’enfant a tendance à imiter ses copains.
La réflexion sur le particulier et l’universel.
La séance se déroule en s’appuyant sur un support, élément déclencheur de la parole. L’animateur présente le tableau suivant aux enfants.

Il montre une image à la fois et demande à un enfant de venir l’accrocher dans l’une des colonnes du tableau après l’avoir questionné : « c’est pour tout le monde ou ça n’est que pour toi ? ». L’animateur incite l’enfant à expliquer, justifier et argumenter son choix.
Il est important de demander au groupe ce qu’il en pense. Si certains ne sont pas d'accord, on met l'image entre les deux colonnes pour signifier que c'est plus nuancé. Cela aide les enfants à comprendre que l’étiquette peut bouger, qu’un avis peut évoluer en fonction des échanges avec les camarades.
L’animateur doit être attentif à ne pas exprimer un accord ou un désaccord et à encourager la pensée de l’un des enfants au risque de déclencher des « moi aussi », ce qui serait contre-productif dans le cadre du travail de la pensée autonome.
A l’issue de l’atelier, ils se rendent compte qu’ils ne ressentent pas tous la même chose dans une même situation et qu’il n’y a pas de réponse attendue, de « bonne » réponse.
Ils comprennent :
qu’il existe une pluralité de réponses, qu’il est normal de ressentir des émotions différentes et que ça n’est pas grave ;
qu’il est important de savoir les expliquer pour parfois être rassuré par les autres qui peuvent nous aider à trouver une solution. C’est d’ailleurs un premier pas vers l’empathie.
C’est ainsi que le dispositif les aide à développer une pensée personnelle et à l'exprimer clairement. Il leur restera l’étape de la conceptualisation.
Mais cet atelier permet aussi de faire prendre conscience aux enfants de la dimension universelle de certaines réponses : oui, tout le monde a peur des loups par exemple. Ils pourraient nous manger !
Certains pourraient nuancer puisqu’ils ont pu rencontrer des loups gentils dans la littérature de jeunesse. D’autres proposeront une stratégie : pour que le loup soit gentil avec nous et ne nous mange pas, il faut l’être aussi avec lui.
Voilà ce qui fait la richesse des ateliers philo, la construction de la pensée collective grâce aux apports de chacun ! Des ressentis particuliers de chacun, on tend vers une pensée plus universelle au fil des questionnements et des échanges.
Ce jeu peut être utilisé comme support pour les plus grands, en complexifiant les thématiques.
C’est un excellent support pour travailler la généralisation et se détacher de son point de vue propre.
Mener un atelier philo en maternelle est une expérience riche en apprentissages. Non seulement les enfants apprennent les règles de fonctionnement d’une communauté en développant leur sens de l’écoute et du respect de la parole d’autrui, mais ils renforcent également leurs compétences langagières.
Ils progressent dans leur manière de s’exprimer, d’argumenter et de structurer leur pensée. Ces ateliers leur permettent aussi de cultiver leur esprit critique, d’apprendre à penser par eux-mêmes tout en considérant les idées des autres, ce qui les aide à construire des bases solides pour devenir des citoyens éclairés.
Mais l’impact va bien au-delà de la simple maîtrise du langage ou de la réflexion critique. Philosopher dès le plus jeune âge, c’est ouvrir les portes d’une réflexion collective sur des sujets fondamentaux qui les aideront à mieux appréhender le monde qui les entoure. C’est aussi leur offrir l’opportunité de grandir en tant qu’individus capables de remettre en question les évidences et leurs préjugés. L’atelier philo en maternelle n’est qu’un premier pas vers une éducation qui place la réflexion au cœur de l’apprentissage. En intégrant ces moments de questionnement dans la vie quotidienne et au sein des différents espaces que les enfants côtoient, nous leur permettrons de développer une véritable pensée autonome, tout en devenant des citoyens responsables, capables de contribuer à un vivre ensemble plus harmonieux.
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