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Photo du rédacteurNadia Thuilliers

Une fiche outil pour sensibiliser au harcèlement scolaire en atelier philo

Dernière mise à jour : 27 juin


Le harcèlement scolaire est un sujet d’actualité fort préoccupant qui a amené le gouvernement à mettre en place le programme pHARe afin de lutter contre ce phénomène. Les établissement scolaires disposent désormais d'un cadre officiel pour organiser la prévention et n'hésitent pas à innover dans leurs pratiques comme avec les ateliers philo par exemple.


Ce problème doit être pris à bras le corps. L’heure est désormais à la sensibilisation mais pour qu'elle soit impactante et efficace, elle doit être accompagnée d'une réflexion approfondie pour en comprendre toutes les mécaniques. 


En effet, des enfants et des adultes auraient tendance à qualifier un peu trop vite certaines situations comme étant des faits de harcèlement scolaire.  Et c’est souvent à tort. Les émotions et l’implication affective ne rendent pas toujours aisée la caractérisation de situations où des jeunes se font “embêter”.



De nombreux outils existent pour mieux comprendre le harcèlement mais ils peuvent créer des confusions dans la tête des enfants et de leurs familles . C’est pourquoi il est important de leur apprendre à reconnaître une situation de harcèlement scolaire pour pouvoir la dénoncer.


C’est l'objet de cette fiche outil qui vous donne les clés pour animer un atelier philo pour sensibiliser au harcèlement scolaire.



Apprendre à identifier une situation de harcèlement grâce à l’atelier-philo



Moquerie = harcèlement ?



Les enfants et certains adultes ont tendance à définir le harcèlement comme une violence physique et morale où la moquerie joue un rôle prépondérant. Il semble manifestement que dans de nombreuses situations ce soit le cas, mais en réalité, ce seul critère ne permet pas de qualifier un fait de harcèlement.


En effet, la moquerie n’est pas à condamner dans son ensemble. Elle est source de rires et semble inhérente à la nature humaine. Qui ne s’est pas déjà moqué d’une personne qui chute dans la rue ?

D’ailleurs, il serait intéressant de différencier le rire de la moquerie car la frontière entre les deux est un peu floue.


On peut noter que se moquer de quelqu'un permet parfois d’éviter qu’on se moque de nous. Cela peut être également une façon maladroite de créer du lien avec une personne, d’attirer son attention.


Le rire permet quant à lui de gérer des situations difficiles. Il atténue alors la gravité des faits. Les enfants doivent d’ailleurs apprendre que le rire a ses limites et qu’on ne peut pas rire de tout. Cet apprentissage se passe bien évidemment au sein d’un groupe.


Il faut donc caractériser la moquerie pour définir à quel moment elle devient le symptôme d’un harcèlement. Quelles en seraient les limites ? Quand se moquer ne correspond-il pas à une volonté de nuire à autrui, de le faire souffrir, de le rabaisser ?

Autant de réflexions qu’il est important de soulever afin d’identifier un cas de harcèlement scolaire.


Par ailleurs, pour qu'il y ait harcèlement, cette moquerie doit être répétée et liée à une forme d'intimidation.


Un rapport de force déséquilibré


L’intimidation n’est pas forcément claire à identifier. Le rapport de force peut-être réel ou perçu comme tel par la victime.

Quand il s’agit de plaquer quelqu’un contre un mur en le menaçant de violence, là, c’est évident. 


Mais on peut être intimidé insidieusement. Par exemple, on peut se faire “charrier” par des amis, de façon répétitive, n’osant rien dire alors que ça nous déplaît. 

L’une des raisons qui peut expliquer cette position de retrait est qu’on sait que si l’on réagit, on “tend le bâton pour se faire battre” et qu’on a encore plus de chance d’être “taquiné” par ses amis. 

Dans cette situation, il y a un rapport déséquilibré entre le groupe et la personne intimidée insidieusement.


En effet, on peut très bien se retrouver dans son cercle d’amis à se charrier les uns les autres sans que personne n’en souffre. C’est la dynamique du groupe, une façon de rire de soi et des autres sans volonté de nuire à autrui.



En cas de rapport inégal, l’effet du collectif peut accentuer ce déséquilibre et amener l’enfant cible de l’intimidation à se sentir encore plus vulnérable et incapable de réagir.


Faiblesse, incapacité à se défendre et isolement


Un rapport de force inégal amène le jeune victime de violence verbale ou physique, à une forme d’impuissance. Il peine à s’opposer et à se défendre. 


Pour se protéger, une victime peut même se réfugier dans le déni et minimiser ce qu'il lui arrive. “Non, mais ça va, ce sont des blagues”. La personne à l’origine des railleries se cachera derrière la même excuse. 


Pourtant, les émotions ne mentent pas. Un sentiment de malaise, d’infériorité dans le groupe, une étiquette qui catalogue le jeune comme celui dont on peut gentiment se moquer ouvertement, peut l’emprisonner dans une dynamique qui ne nous convient pas et qui nous fait souffrir. 


On peut aussi avoir peur de la réaction de ceux qui rient à nos dépens, peur de passer pour celui qui manque d’humour, peut-être même a-t-on peur de perdre nos amis. 


La personne qui raille peut ne pas avoir conscience de ce qu’elle produit chez l’autre également, puisque celui qui est moqué ne semble pas réagir, voire il rigole aux blagues. 

Un des enjeux dans la prévention est de pouvoir aider les jeunes à se connecter à leurs émotions pour identifier ce qu’ils ressentent réellement et qu’ils soient ainis capables de le verbaliser. Développer l’empathie est alors un moyen de faire prendre conscience à un jeune qu’il est auteur de faits de harcèlement.


Comment peut-on faire pour aider les enfants à réfléchir sur ces dynamiques ?


Prévenir le harcèlement scolaire par les ateliers philos est un article qui vous intéressera si vous souhaitez approfondir la thématique.



Le photolangage, un outil pour mener un atelier philo pour sensibiliser au harcèlement scolaire 



Le photolangage est un excellent support pour amener les enfants vers l’objectif de la séance. Proposer des images permet de les interpeller et leur engagement dans la discussion de groupe ne sera que plus important. Ils peuvent en effet très facilement s’identifier aux situations illustrées qui leur sont généralement familières.


Chaque image a été choisie pour échanger sur un point de caractérisation du harcèlement.


Vous allez amener progressivement les enfants à distinguer une situation qui relève du harcèlement d’une autre qui n’en est pas et ainsi caractériser avec eux ce qu’on peut réellement qualifier de harcèlement scolaire.


Voici une série de photos que vous pourrez utiliser lors de votre séance. Vous trouverez sous chacune, le contexte et des questions qu’il serait intéressant de soulever pour faire évoluer la réflexion des enfants du groupe.



Un élève en intimide un autre en menaçant de le frapper, encouragé par d'autres élèves. L'un d'entre eux filme la scène. L'élève victime semble incapable de se défendre.


Cette image est très explicite. Elle représente assez bien l’image que l’on peut avoir d’une situation de harcèlement. On y voit un leader, un groupe de suiveurs qui l’encourage, et une victime. La violence est à la fois physique et psychologique.

On peut en déduire que le harceleur tire sa force des autres qui l’encouragent. On peut interpréter sur le visage de la jeune fille en arrière-plan de l’image une forme de moquerie. Il s’agira de demander si toute moquerie relève du harcèlement scolaire (on invite les enfants à débusquer une généralité abusive) pour faire émerger de critère de répétition. Une moquerie répétée et gratuite est le signe d’un possible harcèlement.



Il s’agira de faire prendre conscience aux enfants que la moquerie n’est pas toujours signe de harcèlement scolaire. Ce qui fait que ça pourrait être du harcèlement c'est la répétition des moqueries. L’importance de l’effet-groupe est à souligner également.



Deux élèves semblent se moquer d'un autre. L'un lui ébouriffe même les cheveux. L'enfant cible de la moquerie ne semble pas apprécier.


Sur cette image, on voit les deux garçons en arrière-plan en train de sourire. 

On peut demander aux enfants d’interpréter ce constat. De quoi sourient-ils ? Ce sourire semble t-il méchant ? La main sur la tête peut également être interprétée comme une gentille moquerie. Peut-être sont-ce des amis ? Pourtant, la réaction cachée du garçon en premier plan en dit long sur son ressenti. Il semble se laisser faire. Alors, harcèlement ou pas harcèlement ?


Une moquerie peut-elle être gentille ? Tout dépend de la réaction de la personne d’en face. Si elle vit mal la situation, alors il est nécessaire de comprendre que mes paroles ou mes actes qui me semblent anodins, peuvent blesser mon interlocuteur et que dans ce cas, je dois cesser.



Photo d'une bagarre. Deux jeunes élèves en viennent aux mains. Un groupe d'élèves les regardent.


Sur cette image on voit une bagarre. On ne sait pas si c’est du deux contre un, si l’un des enfants prend la défense de l’autre ou s’il essaye de les séparer. Généralement, dès qu’il y a violence physique, les enfants interprètent cette image comme une bagarre, mais pas comme du harcèlement. Par contre, si la violence physique est répétée et dirigée vers le même enfant, il faut faire preuve de vigilance.




Dans une classe, un élève maintient un autre par le cou et lui  frotte les cheveux. L'élève qui subit un un sourire aux lèvres : est-ce de contenance ? Une autre élève qui assiste à la scène semble s'insurger de la situation. Harcèlement ou pas?



Sur cette image, on voit le jeune garçon à la chemise rouge rouge sourire. Mais que cache ce sourire ?

On peut tenter d’interpréter la situation à l’aide des personnages en arrière plan. Une fille à gauche semble inquiète. Peut-être sent elle que cette situation n’est pas normale et qu’elle a repéré une situation problématique. Du harcèlement que la victime tente de dissimuler aux autres ? Peut-être. 

Les victimes de harcèlement essaient parfois de ne pas montrer que ça les affecte profondément ; elles cachent leurs véritables émotions et les masquent par un sourire. Elles veulent rester “cool” aux yeux de leurs pairs. Il est alors d’autant plus difficile de reconnaître une situation de harcèlement.

Ici on peut se demander si des rires signifient toujours qu’on trouve une situation amusante? Le rire peut être une volonté de se donner une contenance.



Une jeune fille consulte son smartphone et semble découvrir quelque chose qui la contrarie. En arrière plan, 2 autres jeunes filles consultent leur smartphone et rigolent. L'une d'elle montre du doigt en premier plan : cyberharcèlement ?


Sur cette image, on peut aborder le harcèlement via les réseaux sociaux. Ce sont des adolescentes qui semblent regarder une photo ou une vidéo. La jeune fille au premier plan est concernée, inquiète, tandis que les deux autres se moquent. 

Peut-être qu’elle subit uniquement ce harcèlement sur les réseaux sociaux et pas au collège ou au lycée ? Ce qui rend ce type de harcèlement encore plus difficile à déceler et à dénoncer, est que ce sont des groupes de personnes ciblées qui ont accès aux contenus des calomniateurs. 

Par ailleurs, le cyberharcèlement semble sans limite car les harceleurs se sentent tout puissants derrière leurs écrans et pensent agir en toute impunité.

Se pose également la question de la responsabilité. Qui harcèle dans ce genre de situations : celui qui poste ? celui qui regarde et réagit ? like? partage le contenu et qui contribue ainsi à la diffusion du contenu qui porte atteinte à la victime ?



Ce dessin représente les moqueries qu'un enfant subit au quotidien dans tous les espaces de vie qu'il côtoie. Le jeune est représenté au centre et tout autour de lui, on voit différentes personnes qui se moquent. les moqueries sont représentées dans des bulles par des dessins.


Dans le harcèlement on a tendance à voir un groupe de suiveurs qui encourage un leader, qui se moque gratuitement et de façon répétée d’une personne. 

Mais le harcèlement existe aussi hors de l’enceinte de l’école, et n’est pas toujours le fruit d’un même groupe.  Il arrive en effet qu’une personne soit victime de railleries par d’autres dans les différents endroits qu’elle côtoie (école, club de sport, centre de loisirs, etc.). Le harcèlement peut être alors la somme de moqueries répétées dans différents contextes et peut ainsi être mené par plusieurs personnes.

Par exemple, si je me moque d’une personne en situation de handicap ou en surpoids, mais que je ne le fais qu’une fois, je ne vais pas être le harceleur. Mais si des personnes différentes le font aussi, la personne se sentira harcelée car elle vivra une moquerie répétée et gratuite.

Les violences sont ici répétées même si elles n’émanent pas toujours des mêmes personnes et c’est la fréquence qui induira cette perception.

Notez que l’intolérance à la différence est souvent le point de départ de moqueries.



Une enseignante est en classe et semble ne pas réussir à se faire entendre par ses élèves qui rigolent, jouent et ne s'occupent pas du professeur.


Enfin, cette dernière image amène à réfléchir sur l'identification de la victime : qui se fait harceler ? On peut imaginer qu’un enfant est visé, mais dans cette situation, il le serait devant l’enseignante. Ce qui semble impossible (mais qui arrive malheureusement parfois).


Mais peut-on imaginer qu’un professeur subisse du harcèlement de la part de ses élèves ? Moqueries répétées, non-respect affirmé des règles et des consignes, c’est violent pour elle. Elle peut vivre cette situation comme une forme de harcèlement de la part de ses élèves.


Selon la définition du service public, Le harcèlement moral est un délit et c’est “un acte interdit par la loi et puni d'une amende et/ou d'une peine d'emprisonnement inférieure à 10 ans”.

Dans le cadre du travail, le harcèlement moral se manifeste par des propos ou des comportements répétés pouvant entraîner, pour la personne qui les subit, une dégradation de ses conditions de travail.

Pour caractériser cette infraction, il faut prouver que ces comportements ont entraîné :

  • une atteinte aux droits et à la dignité de la victime

  • ou l'altération de sa santé physique ou mentale

  • ou une menace pour son évolution professionnelle.


L’enseignante peut clairement entrer dans ces critères, ce qui prouverait qu’elle subit une forme de harcèlement. 

Il me semble important de pouvoir élargir les zones d’horizons du harcèlement et sortir du champ scolaire. Les jeunes le connaissent au sein de l’établissement, mais ils intègreront un jour le monde professionnel dans lequel de nombreux cas existent, et ils devront alors  être capables de les identifier.






Cet atelier philo mené avec le support des images amènera les élèves à mieux comprendre ce qu’est le harcèlement scolaire et les aidera à reconnaître quand une situation en est ou pas. 


Il est important de savoir caractériser si une situation relève de harcèlement pour soi-même mais aussi en tant que témoin. Connaître les critères permettra aux jeunes d’analyser correctement une situation et de réagir de façon éclairée et dénoncer un fait de harcèlement.


Enfin, mettre en place des ateliers philo pour sensibiliser les jeunes au harcèlement scolaire aura  également un impact sur certains auteurs potentiels de harcèlement. Par la verbalisation des émotions et des besoins, ils prendront conscience de l’influence toxique dont ils peuvent parfois faire preuve sur leurs pairs. Les ateliers philo seront alors un moment privilégié pour développer l’empathie, gage d’un mieux vivre ensemble et d’un climat scolaire apaisé.


Tu peux suivre mon cours en ligne sur 6 jours pendant lesquelles je te partagerais mes conseils pour apprendre aux enfants à penser par eux-mêmes. Tu y trouveras des outils concrets et méthodiques !








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