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Qui est en charge de développer l'esprit critique des enfants?

Dernière mise à jour : 4 déc. 2023




En préambule, je précise que je ne viserai aucun enseignant dans cet article! Je ne vise que la vision de l’esprit critique proposée dans une vidéo disponible sur Eduscol.

Courage et soutien aux enseignants qui vivent un quotidien pas toujours facile. Il suffit de passer une journée en classe pour le comprendre.


Toute ma réflexion va partir de cette vidéo sur Eduscol, présentée par Jérôme Grondeux, inspecteur général Histoire Géographie. Je ne doute pas de la bonne volonté de ce monsieur qui, honnêtement, dit beaucoup de choses intéressantes et vraies à mon sens en définissant ce qu’est l’esprit critique. Mais l’esprit critique étant souhaitable, je me plie à l’exercice.


Mon objectif est de comprendre comment le développement de l’esprit critique est défini par l’Education Nationale, si dans les faits les conditions nécessaires à son développement sont mises en place, et si seule l’école a pour mission le développement de cet esprit critique.

Voici le schéma que l’on trouve sur leur site internet et qui synthétise très bien la vidéo.




Comme le dit Jérôme Grondeux, il faut savoir vérifier s’il y a concordance entre la théorie et l’expérience. C’est donc sur cette concordance que je vais axer ma critique principalement. Je vais également faire une distinction entre l’esprit critique et le jugement critique (qui va de paire avec la pensée réflexive).

Dores et déjà, j'aimerais préciser que je pense que l'école développe l'esprit critique en donnant une méthodologie qui vise à critiquer un document. Il peut s'agir d'apprendre à vérifier les sources, la concordance et la fiabilité des témoignages.

En histoire nous apprenons à faire la critique d'un document en suivant la méthodologie de la critique. En science, on apprend à chercher la source, à comprendre la méthode utilisée pour faire une étude, et comment critiquer la pertinence de celle-ci.

Or, je ne limite pas l'esprit critique à la capacité de faire une critique en respectant une méthode. J'y ajoute le jugement critique, qui porterait sur des opinions, des idées et des valeurs. Et la pensée réflexive, qui consisterait à penser ce qu'on pense pour remettre en question nos propres idées.

L'école joue un rôle prépondérant. Mais il me semble important de compléter et préciser ce que peut être l'esprit critique dans une dimension plus large.


CONNAISSANCE ET ESPRIT CRITIQUE


“Pour parler d’esprit critique il faut parler de l’envie de connaître, et de l’importance de la curiosité”.


La curiosité est en effet un point de départ important, une qualité présente chez les enfants. Toutefois, j’aimerais distinguer ici l’envie de connaître et l’envie de comprendre. Les deux nous mettent en posture de recherche, ce qui est une bonne faculté à développer pour développer son esprit critique. Encore que, je nuance en disant qu'un enfant qui a envie de connaître peut attendre qu'on lui donne l'information, sans faire la démarche de chercher la réponse par lui-même ou de l'approfondir. La posture de chercheur est une condition de possibilité du développement de l'esprit critique. D’ailleurs, la volonté, et le besoin même, d’aller chercher la source de nos informations, participent au développement de l’esprit critique. Mais si on met en lien l’envie de connaître et le fait d’avoir des connaissances pour critiquer sans élargir la définition de l’esprit critique, on se heurte à un problème. Prenons son exemple pour illustrer le propos:


“Par exemple: quelqu’un qui ne sait pas comment fonctionne un moteur à explosion ne pourra pas faire preuve d’esprit critique [pour en construire un nouveau],

il sera obligé de croire tout ce que le spécialiste lui dit.”


Je m’interroge: l’exemple est-il bien choisi?


En ce qui concerne la mécanique, il y a des techniques existantes qu’il faut apprendre, et des techniques à inventer. On peut donc partir du principe qu’un spécialiste du domaine a les bonnes connaissances à transmettre et qu’on peut lui faire confiance car il s’agit de connaissances exactes à l’instant T. Dans le cadre scolaire, les connaissances sont déjà vérifiées et certaines.

En revanche, une fois ces connaissances acquises, on peut réfléchir pour résoudre les problèmes que pose cette technique, ce qui n’est pas chose répandue. Tout le monde ne s'attèle pas à remettre en question la technique communément utilisée pour en trouver une différente ou une meilleure.

Donc l’esprit critique est considéré ici comme la démarche qui suit la connaissance du procédé, qui lui est tel qu’il est, et pas autrement. Je dirais qu’il s’agit plutôt de développer sa créativité, de prise de recul sur un objet. Bien entendu, pour se rendre compte des problèmes que pose une technique, il faut la connaître. Mais pour discuter de justice, devons-nous connaître toutes les lois?


Savoir ce qu’on sait et ce qu’on ne sait pas est plus facile lorsqu’il s’agit de disciplines techniques que de vision de la vie. On peut donc se questionner sur la fiabilité de cette analogie si on élargit le développement de l’esprit critique à autre chose qu’aux domaines techniques et scientifiques.


On peut apprendre les différentes méthodes de construction pour développer un nouveau modèle de moteur, mais ça ne façonne pas l’esprit critique pour développer les valeurs morales, améliorer la prise de décisions, améliorer la connaissance de soi. La technique est d'ordre rationnel, tandis que la justice (le sentiment de justice) est d’ordre émotionnel, issue du vécu, de l’expérience et est variable d’une personne à l’autre. Ce qui rend le problème complexe. Un moteur à explosion, c’est le même pour tous. Une loi est la même pour tous, mais pour certains elle est juste et pour d'autres injuste.


La question se pose: la critique en mécanique a-t-elle les mêmes critères et le même fonctionnement que la critique en philosophie? Je vois comme point commun la posture de chercheur (si on a la volonté de créer un nouveau moteur ou de réfléchir à des situations vécues). Je vois aussi une différence: la posture réflexive.

On n’observe pas ce qu’on pense pour prendre du recul sur la mécanique d’un moteur. On observe un objet et, à l’aide de calculs, on cherche d’autres solutions. Or, faire preuve d’esprit critique, c’est aussi être capable d’observer nos propres idées, pour les mettre en perspective et les remettre en question. L’esprit critique n’est pas toujours orienté vers un objet extérieur à soi, il peut être tourné vers soi et pour soi. En ce sens, on parle de jugement critique et de pensée réflexive, qui sont les deux faces d’une même médaille.


ESPRIT CRITIQUE OU JUGEMENT CRITIQUE?


Comme me l’a suggéré mon ami Charlie Renard, prof de philosophie en terminale et doctorante, animatrice en ateliers philo pour les enfants, il est plus judicieux de parler de jugement critique que d’esprit critique. Je vous conseille de visiter sa chaîne YouTube, Philo Marmots, avec des petits films qu’on peut montrer aux enfants: Chaîne de Philo Marmots.


Faire preuve de jugement critique, c’est être capable de prendre du recul pour penser ce qu’on pense. Pas seulement d’analyser une idée froidement. C’est une posture réflexive, qui consiste à se regarder dans un miroir, regarder nos propres idées, met nos émotions en mouvement. Cette posture permet également de considérer les idées des autres comme un objet à observer en émettant des hypothèses variées, et de les remettre en question. Cette remise en question de l’idée des autres nous permet d’affirmer ou de nuancer ce qu’on pense soi-même.


On peut schématiser le jugement critique et la pensée réflexive comme ceci:



LES DIFFERENTS POINTS DE VUE ET LE JUGEMENT CRITIQUE.


Les enfants apprennent des choses, mais ça ne les aide pas nécessairement à mieux vivre ou à changer leurs points de vue.


On propose des textes avec différentes idées défendues, des connaissances pour enrichir notre vision des choses. Mais ces connaissances ne sont pas soumises au jugement critique. Les élèves ne travaillent pas leur posture en devenant des chercheurs, ils restent des apprenants, cherchant la bonne note pour la prochaine évaluation. D’ailleurs, quand j’anime des ateliers philo en école, c’est un sans faute: “c’est différent de ce qu’on fait d’habitude (à l’école ou à la maison) et la première fois qu’on peut dire ce qu’on pense”. Strike.


Faire preuve de jugement critique, c’est une posture, pas un amoncellement de connaissances qui irait à l’encontre des traditions ou idées transmises.

Il y a une distinction importante à faire entre chercher à connaître et chercher à comprendre pour donner du sens aux expériences et aux apprentissages.


Par exemple, le harcèlement scolaire, atelier que j’ai animé en école. Au début de l'atelier, les enfants disent qu'ils doivent se faire aider par les adultes. Puis nous réfléchissons. Quels risques encourent-on à se défendre face à un harceleur? Quels risques encourent-on à défendre un harcelé? Quels bienfaits pouvons-nous récolter des deux situations? Oui, je propose de penser l'impensable. Mais voici le résultat: à la fin, les enfants disent qu’il va falloir se débrouiller seul et apprendre à se défendre car les adultes ne les croient pas et minimisent leurs conflits en disant “ce sont des histoires d’enfants”. Ces mêmes adultes qui sensibilisent à l’esprit critique et au harcèlement scolaire. On touche donc du doigt ce qu'ils vivent réellement. Et le problème auquel ils seront réellement confrontés.

"Quelle solution pour régler ce problème? Faut-il faire justice soi-même? Non, trop risqué, il faut aller voir les adultes en groupe. Si nous sommes plusieurs témoins, ça donne du poids à nos revendications".


Le problème que je vois est que la sensibilisation permet d’intérioriser des idées, d’apprendre des choses, mais ne permet pas de faire le lien avec l’expérience et le vécu si on ne s'attèle pas à faire cet exercice, si on ne permet pas aux enfants de dire avec la plus grande des franchises ce qu'ils pensent.


Autre point marquant de cet atelier, un des critères du harcèlement est la moquerie. Or toute moquerie ne relève pas du harcèlement. Comment faire la distinction si on ne s'attèle pas à distinguer ces différents types de moquerie? Doit-on diaboliser la moquerie? Dans la tête des enfants, une moquerie ce n’est pas forcément méchant. Il faut donc établir le critère qui permet de distinguer différentes moqueries. Ce que m’a proposé un enfant après mûre réflexion: la moquerie gratuite et répétée relève du harcèlement. C'est donc différent de charrier. Ainsi, on pourra reconnaître plus facilement qu'une moquerie relève du harcèlement en ayant à l'esprit qu'elle est gratuite ou répétée.


De la part de l’enseignant, ça nécessite un changement de posture. Et d'oser questionner en apprenant à bien le faire. Ne plus être dans la transmission, et inviter les enfants à s’interroger grâce à des questions habilement posées. Or, il n’y a pas de formations à proprement parler qui permettent aux enseignants de travailler ce changement de posture, pourtant crucial au développement de l’autonomie de la pensée, et pour apprendre à penser par soi-même. L’esprit critique s’apprend. Le travailler avec les enfants s’apprend également. Et je suis persuadée que les enseignants prendraient un plaisir immense à redécouvrir leurs élèves grâce au dialogue philosophique.


"L'ESPRIT CRITIQUE SUPPOSE DEUX CHOSES QUI SE COMPLÈTENT: L'AUTONOMIE ET L'ÉCOUTE".

"Penser différemment des autres et de notre milieu. On pense avec les autres, le dialogue est fondamental.”


Je suis pleinement d’accord avec ces deux phrases. Mais l’expérience met-elle en pratique ce principe? Qu'entend-on par autonomie et écouter?


À l'école, ces moments de dialogue ne sont pas ou très peu présents dans les classes, et se font souvent sous forme de sensibilisation, ou de simple échange d'opinions sans réflexion plus approfondie. Il n’y a pas de remise en question des choses telles qu’elles sont et telles qu’elles fonctionnent.

Pourquoi en EMC (éducation morale et civique), au collège ou au lycée, lorsqu’on parle du vote, on n’explique pas qu’il y a différentes formes de scrutin? Et pourquoi on ne réfléchit pas à l’impact de ces différents modes de scrutin sur le résultat de l'élection? On pourrait se demander après coup si notre système de vote est le plus juste ou le plus représentatif de la population, et s’il répond aux critères de ce qu’est une République (Res Publica, la chose commune). Cela permet également de prendre conscience de l’influence de nos décisions sur la société toute entière. Ça me paraît crucial de pouvoir discuter de choses aussi importantes pour initier la posture du citoyen en montrant l’impact de son implication dans la société, et la façon dont on veut faire ses choix.


L’écoute des idées des autres ne suffit pas pour ouvrir son esprit et pour penser par soi-même. Car on peut “entendre” l’idée de l’autre et ne pas l’écouter.

La différence entre entendre et écouter? Entendre est un acte passif, écouter est un acte actif. Pendant que j’entends l’autre parler, mon écoute, c'est-à-dire mon attention, est orientée vers ce que je pense et ce que je vais dire. Si bien qu’un dialogue de sourd peut se mettre en place. J’entends une musique et j’écoute une musique montre bien cette distinction. On peut aussi définir entendre comme la faculté de l’entendement qui consisterait à comprendre, mais cette façon de définir le concept “entendre” présuppose qu’on passe d’abord par l’écoute.


Non, “écouter” des idées différentes ne suffit pas à développer l’esprit critique car ce n’est pas un jugement réflexif. On peut même être influencé et ne pas arriver à développer son propre jugement. On peut lire des textes littéraires avec des idées différentes, mais ne pas saisir ce qui fait leur différence, car on ne saisit pas l’enjeu. En atelier philo c’est un exercice qu’on fait. “A, tu n’es pas d’accord avec B. Peux-tu expliquer ce qui est différent entre vos idées?”

Ce n’est pas toujours facile croyez-moi.


Qui suis-je?


Je me souviens de mon expérience en fac de philo. Au bout d'un an, je me suis rendue compte que je n'avais pas de jugement critique sur ce que j'apprenais. Je gobais tout, par passion car je trouvais super intéressant de découvrir ces visions du monde aussi riches et différentes. J'avais compris la méthodologie de la dissertation, mettre en lien les philosophes et leurs systèmes en problématisant. Mais moi, Nadia, qu'est-ce que je pense? Je n'en avais aucune idée. Comme quoi la philosophie n'a pas le monopole du développement de l'esprit critique. Elle enrichit l'esprit. Mais sans exercice de la pensée, on ne peut pas forger un jugement critique ou penser ce qu'on pense.


Ça ne suffit pas d’apprendre qu’il y a d’autres façons de voir le monde. Oui, les gens voient le monde différemment, et après? J’en fais quoi de ces différences d’opinion? Je les accepte au risque d’être dans du relativisme? Je les rejette car elles sont différentes des miennes? Ou bien je les examine pour créer du dialogue avec l’autre?


Est-ce que j’apprends à les écouter? Est-ce que j’apprends à me remettre en question? A remettre en question les idées des autres intelligemment?


Combien d’ateliers à visée philosophique tournent en simple discussion où chaque enfant donne son idée sans aucune réflexion derrière? Finissant plus souvent par une morale déguisée que par une vraie réflexion.

Encore une fois, ces facultés ne sont pas innées. Pour les développer il faut du temps et une pratique régulière. Tant pour l'enfant que pour l'animateur.


L’esprit critique, pour se développer, demande du temps.


“Ces attitudes sont abordées par des manières de connaître les choses, des façons de prendre son temps, ne pas se presser d’avoir une interprétation ou une idée.”



Encore une fois je suis d’accord, ça prend du temps. Et se hâter de répondre nuit à la réflexion. D’ailleurs s’empresser de répondre peut-être un signe de manque de réflexion et d’automatisme.

J'en viens à l’expérience des enseignants. Selon le témoignage de certains, ce temps n’est pas donné car c’est la course au programme. Terminer le programme, ça doit aller vite, ça occupe tout l’espace de la classe. Ils sont 30 par classe! Animer un débat avec 30 enfants, c’est une prouesse (ça demande une sacrée énergie je peux en témoigner). Malgré la volonté et les idées des enseignants, le contexte ne permet pas toujours d’aller au-delà des apprentissages. Certains y arrivent, d’autres non. Et beaucoup témoignent qu’ils abandonnent et cessent d’animer des ateliers de réflexion philosophique car c’est trop exigeant, ou ne se sentent pas légitimes à le faire. Il n’y a pas de directive nationale qui permette de mettre en place ces temps de réflexion de façon régulière. Si on admet que développer son esprit critique prend du temps, mais qu’on n’y accorde pas de temps, c'est contradictoire.


Les différents inspecteurs et chefs d’établissement n’ont pas tous la même vision de ce qui est important et de la place à accorder au débat d’idées. Pour certains, la pratique philosophique est un bien nécessaire, pour d’autres un spectacle de saltimbanques malheureusement.

Certains enseignants souhaitent qu’un intervenant vienne dans leur classe pour des ateliers de philosophie, mais il n’ont pas le budget pour le faire.


Or, le dialogue prend du temps, il faut lui dédier un moment spécial, et pour éviter tout relativisme, il faut savoir le faire, se former. Il faut savoir réguler un débat grâce à des outils concrets et méthodiques.


En revanche, il y a des moments pour sensibiliser à certains sujets importants, dont le harcèlement scolaire. Pour certains profs, c’est du dialogue et ils tentent de développer l’esprit critique des enfants. Le harcèlement scolaire est un fil conducteur dans les établissements. Mais alors, comment expliquer que lorsque j’arrive en fin d’année, en atelier philo, avec des élèves qui ont participé à un concours sur le harcèlement scolaire, qui sortent gagnants de ce concours, comment expliquer qu’ils concluent l’atelier philo par “il faut qu’on apprenne à se défendre seul car les adultes ne nous croient pas quand on leur raconte quelque chose? Ils nous disent “ce sont des histoires d’enfants et des chamailleries”, en parlant des enseignants et des chefs d’établissement qui sont supposés être au fait de ces dangers.


Il y a un décalage notable entre la pratique, la sensibilisation, et le vécu des enfants. Ils connaîtront les bonnes réponses, ils les apprendront et les restitueront. Et nous aurons l'impression d'avoir bien fait notre travail. Mais développeront-ils une vision critique, qui consiste à vérifier la fiabilité de ces leçons et leur applicabilité dans leur expérience? Leur permet-on de le faire? En disant "on", j'élargis à l'adulte en général. J'inclus la famille.


Développer un esprit critique est une gymnastique de l’esprit. Demain je ne saurai pas faire le grand écart car je connais la façon dont les muscles s’étirent, je saurai faire un grand écart si, tous les jours, je m'assouplis.

Le travail du développement du jugement critique requiert du temps et une pratique régulière. Prendre son temps: pour la majorité, les enseignants n’ont pas ce temps. On les surcharge.


“Dans l'interprétation, il y a un pluralisme à prendre en compte”.



“Débattre sur les différentes interprétations ne signifie pas que toutes se valent”. Je plussoie évidemment! Mais dans la vidéo sur Eduscol, il y est beaucoup mentionné les sciences et les connaissances. On ne parle pas de la société, son fonctionnement, les relations humaines, ce monde dans lequel les enfants sont projetés. Comme je dis souvent, nous apprenons aux enfants ce qu’est la tolérance mais ne leur apprenons pas à l’être. L’écart entre la théorie et l’expérience témoigne d’un manque de congruence qui fait perdre pied et repères. Pour ce qui est du domaine scientifique, il est important en effet d’apprendre à chercher la source pour ne pas faire confiance aveuglément à un expert, et ne pas tomber sous le joug de l'argument d'autorité. Mais il n’y a pas d’expert de la vie, sans connaissances il faut donc apprendre à réfléchir pour forger son système de valeurs.


“Dans les interprétations, il faut distinguer une interprétation à tester par l’expérience et ce qui relève de nos opinions”. Par exemple en histoire, critiquer un document ce n’est pas le disqualifier, c’est chercher l’intérêt qu’il a et ce qu’il peut nous apprendre avec un certain degré de certitude”.


Deux distinctions sont faites. D’un côté la connaissance de l’histoire, de la chronologie, des chiffres qui nous permettent de connaître des faits historiques, ce sont des faits indiscutables. Et l’interprétation qui relèvent de nos opinions. Cette dernière a-t-elle sa place? En devoir sur table on demande aux élèves de faire la critique d’un document, et chercher l’intérêt qu’il a et ce qu’il peut nous apprendre avec un certain de degré de certitude”. On cherche donc la certitude. Certitude qui est notée! Cela ne laisse pas de place à la pluralité de réponses, mais à des réponses attendues. On n'attend pas des élèves qu'ils pensent, on attend d'eux qu'ils restituent.


Une critique d’un texte historique doit montrer l’intérêt du texte en appliquant le programme pour vérifier les connaissances apprises et si elles sont acquises. Il n'y a donc pas de posture réflexive. Il y a une analyse critique, mais pas de jugement critique.


Je me souviens de certains devoirs en histoire justement, et nous devions faire une critique du document. Je ne cherchais pas à faire une critique de la caricature par exemple, je cherchais à bien répondre, en mobilisant mes connaissances sur le sujet. Je cherchais la bonne réponse pour avoir une bonne note. C’est une bonne chose car ça m’a donné des connaissances à ce sujet qui me permettent de comprendre certains moments de l’Histoire. Fondamental. Mais ce serait tellement intéressant de permettre une critique ouverte. Et si on considère que ce n’est pas possible dans cette discipline par exemple, très bien! Faisons-le en EMC, ou en intégrant une bonne fois pour toute des débats philosophiques en classe.

Oui, valider les connaissances, mais le lier au développement de l’esprit critique me paraît être une façon de se féliciter de faire quelque chose de grandiose ou de complet, alors que non (même si c’est super de transmettre des connaissances et que c’est un beau projet). D’ailleurs, c’est répété plusieurs fois dans la vidéo: le lien entre esprit critique et connaissance. Pourquoi parler de connaissance? Que fait-on de ce qui ne relève pas de la connaissance? Du vivre ensemble? Du rapport entre les enfants, entre les humains? Des choix de vie qu’on doit faire?


L’école a-t-elle le monopole du développement de l’esprit critique?


NON. C'est l'affaire de tous.


ateliers philo pour enfants en visio

Les enseignants se retrouvent bloqués dans leurs démarches:

  • Formation CPF non mobilisables sans l’autorisation de son supérieur hiérarchique (parfois 10 ans d’attente pour qu’on leur valide une demande de formation). Pour développer de nouvelles compétences, c’est difficile.

  • Un programme surchargé.

  • Une inégalité sociale présente dans les établissements (REP / Public bien placé / Privé).

  • Des problèmes de discipline à gérer.

  • 30 élèves par classe.

  • Et maintenant une pénurie d'enseignants.


La transition n'est pas bien évidente j'en conviens. Mais je vais évoquer une pratique: l'IEF, l'Instruction En Famille. Mon envie ici est de montrer que les parents ont aussi un rôle à jouer dans le développement de l'esprit critique des enfants, et que ce ne peut pas, ça ne doit pas être la mission de l'Éducation Nationale seulement.


En France, on considère globalement que les parents qui font l’instruction en famille, donc qui scolarisent leur enfant à la maison, sont néfastes à l’éducation de leurs enfants. Une loi est passée visant à diminuer grandement le nombre de parents qui font l’école à la maison.


Je pratique la philo avec les enfants en IEF (instruction en famille) depuis 2020, dans des ateliers en visio, et je n’ai vu aucune lacune, aucun manque de compétences, j’ai même vu des enfants qui vivent leurs passions, qui sont connectés à leurs émotions, qui ont un bagage culturel et qui se respectent. Est-ce un sans faute? Probablement pas, je ne connais pas tous les enfants en IEF, je ne prends pas le risque de faire une généralisation au risque qu'elle soit abusive. Mais dans mon expérience, aucun ne s’est jamais moqué de leurs camarades. A l'école, je suis plus souvent confrontée aux moqueries pendant l’atelier philo. Je suis obligée d’en poser la règle et de rappeler au manquement de cette règle, car les enfants se moquent.

Ils se moquent, par exemple, d’une jeune fille dyslexique qui a du mal à parler, qui bégaye un peu et cherche ses mots. Et pourtant elle a le courage de prendre la parole, pendant que ceux qui se moquent ne se risquent pas à prendre la parole. Ça demande du courage mine de rien de s’exprimer face aux autres!

Il y a un vrai travail à faire sur la posture des enfants en école.


On objecte souvent que les enfants en IEF manquent de sociabilisation et que l’école permet un mixage favorable à l’apprentissage du bien vivre ensemble. C’est faux. Ils sortent tout le temps, font des sorties culturelles, vont à la bibliothèque, rencontrent d’autres enfants dans leurs activités sportives, et les parents organisent des rencontres et des sorties entre eux.


“Oui mais c’est du communautarisme!” m'a-t-on objecté une fois.

Où ne voyez-vous pas de communautarisme dans votre vie? A l’école on en voit, dehors on en voit. On en voit dans les grandes écoles où l’entre soi est très présent.


Des amis enseignants me témoignent que, si à la maison ça ne suit pas, qu’il n’y a pas d’accès à la culture et un suivi régulier, avec toute la meilleure volonté du monde, l’école ne les aide pas, hormis quelques rares enfants. L’école ne peut pas tout. Les parents ont un rôle à jouer dans le développement de l’esprit critique des enfants, dans leur développement tout court. Et leur donner ce dont ils ont besoin pour bien grandir est notre devoir. Les parents en IEF notamment, sont très impliqués dans l'éducation de leurs enfants et leur instruction, et c'est un choix de vie difficile.


En tant que parents, on ne peut pas tout non plus. Il faut être épaulé, accompagné, chercher les personnes qui vont pouvoir compléter nos lacunes et accompagner nos enfants pour les aider à bien grandir.


Je prêche pour ma paroisse, oui, mais c’est avec une grande conviction que je le fais, et après quelques années d’expérience et de mûre réflexion.


Les inscriptions aux ateliers de philosophie que j'anime en visio, avec les enfants, se terminent le 30 septembre. 2 séances découvertes gratuites pour s'y essayer avant de s'engager. Il ne reste plus beaucoup de place. Pour en savoir plus, vous pouvez visiter cette page sur mon site. Vous y trouverez une vidéo qui explique ce qu'est la philosophie pour enfants à regarder avec eux.



Formation pour devenir animateur philo pour enfants, adolescents et adultes


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