Cet article m'a été inspiré par une jeune fille de 12 ans en atelier philo. Nous faisions un jeu. Si cet article peut interroger une personne de votre entourage, n'hésitez pas à lui partager.
J'ai adapté ce récit à mon fils de 4 ans et demi en posant des questions simples, il a changé quelque peu son comportement avec ses amis en décrétant ce qui était méchant et la limite de ce qu'il pouvait accepter de ses amis.
Cette jeune fille a fait le choix de lire dans les pensées des gens. Pas pour rire ou découvrir les petits secrets de chacun, mais pour savoir si une personne est amie avec elle par intérêt.
Il m'est donc venu la question "Qu'est-ce qu'un bon ami?"
En philosophie avec les enfants on pose souvent la question "Qu'est-ce qu'un ami?", mais finalement peu ce qu'est un bon ami. Car nous pouvons nous leurrer sur nos amitiés, ignorer, ne pas avoir conscience que la relation entretenue n'est pas bonne pour nous, pour différentes raisons.
Alerter son enfant, ça ne fonctionne pas.
On a beau leur dire ce qui est bon ou pas, l'enfant est plongé dans la relation avec l'autre. Si bien que notre leçon de morale ne fonctionne pas. Et pour cause, nous sommes en train de remettre en question la personne qu'il aime. Ça peut être vécu comme une attaque, être frontal, créer une certaines résistances, et l'impossibilité d'écouter.
Ils peuvent très bien se dire que notre position d'adulte ne nous permet pas de les comprendre et donc de mettre de côté nos conseils, nous laissant dans le désarroi.
Si nous, adultes, ne pouvons le faire, comment aider l'enfant à éviter ou sortir de ses relations toxiques?
L'aider à voler de ses propres ailes.
Faire appel aux autres enfants comme nous le faisons en atelier de philosophie. Ou poser une série de questions sans donner notre opinion (à moins que l'enfant la demande).
Il ne s'agit pas de renier l'émotion de l'enfant qui a une raison d'être.
Mais il faut lui donner sa juste place, et distancier le vécu par la réflexion, avec d'autres enfants, pour être dans le partage et pas la leçon de morale. C'est une clé pour ouvrir un nouveau possible pour l'enfant.
Comment procéder?
En premier lieu, donner des qualificatifs de ce qu'est un bon ami, donner des exemples de ce que fait un bon ami. Et faire de même pour définir ce que n'est pas un bon ami.
Laisser l'enfant décider dans quelle catégorie il met ses amis. On peut leur signifier que grâce à ces définitions, ils vont pouvoir de leur côté réfléchir à leurs relations amicales.
Voici une série de questions qu'on peut poser aux enfants:
Est-ce qu'un bon ami est toujours gentil ?
Il ne faut pas tomber dans un extrême où un bon ami serait toujours gentil. Il peut y avoir des raisons à la "méchanceté" (voir ce qu'on entend par méchanceté évidemment) pour peu qu'elle soit une expression de la colère qu'on peut ressentir envers son ami, mais cette réaction doit être dosée, et ne doit pas être une domination de l'autre sur soi.
Parler des conflits qui peuvent avoir lieu en amitié est important, mais il faut aussi définir la limite de l'acceptable. Les enfants en parlent d'eux-mêmes en évoquant les fois où ils se sont disputés avec un ami, mais parce qu'ils sont amis, ils se réconcilient.
Pour aider à réfléchir, on peut établir une liste de ce qu'un ami nous dit, et définir si c'est acceptable ou non.
Je trouve que tu te comportes mal en classe.
Je trouve que tu parles mal à ta mère.
Tu dois jouer avec moi, sinon tu ne seras plus mon ami.
Si tu veux que je t'invite à mon anniversaire, il faut que tu fasses ce que je te demande.
Ils peuvent ensuite donner leurs propres exemples de ce qui est acceptable et inacceptable.
Peut-on tout pardonner à un ami?
Cette question vient interroger les limites de ce qui est acceptable en amitié. Encore une fois, ça vient délimiter le contour du bon ami.
La liste de questions ci-dessus peut servir à illustrer cette question également.
Un ami a-t-il des droits sur nous?
Sous prétexte que nous sommes amis et que notre relation est privilégiée, cela justifie-t-il tous nos comportements? La question est légèrement biaisée ici, et influence en un sens, car elle présuppose qu'un ami peut ne pas avoir tous les droits sur nous. Ça reste néanmoins une facette à leur faire explorer pour préciser ce que fait un bon ami, et ce qu'il ne fait pas, sans que nous donnions notre propre opinion.
Et nous pouvons compléter la question ainsi: un ami a-t-il des devoirs envers nous?
Un ami peut-il tout nous dire?
Il y a deux choses ici.
Un ami peut être sincère avec nous et nous alerter sur des comportements que nous adoptons. Dans ce cas c'est une aide.
En revanche, certaines paroles seraient à éviter du fait que nous sommes amis.
La limite est ténue car on peut dire très franchement ce qu'on pense, au risque de blesser l'autre, comme on peut dire très franchement ce qu'on pense sans volonté d'aider l'autre à s'améliorer. Aussi, le rôle de l'écoute est important: un ami qui dit ce qu'il pense mais qui prend le temps d'écouter l'autre, peut être un signe qui le différencie de celui qui se contente de dire ce qu'il pense sans écouter l'autre, avec le faux prétexte qu'il faut dire tout haut ce qu'on pense tout bas.
Les avantages et les inconvénients de pouvoir tout dire à son ami?
Alors pour préciser ce que signifie ce "tout dire", nous pouvons explorer les avantages de pouvoir tout dire à son ami. De même, interroger sur les inconvénients viendra nuancer ce "on peut tout dire".
Par exemple: je peux tout dire par souci d'aider mon ami et parce que je juge qu'un ami est quelqu'un de sincère. L'inconvénient serait de le dire sans s'intéresser à l'autre, sans se soucier de si ça lui fait du bien ou non.
Quand considère-t-on que c'est un problème?
Puisqu'il y a des avantages et des inconvénients en amitié, quand pouvons-nous considérer que c'est un problème?
Il est possible ici de faire appel à des exemples. Attention à ne pas demander aux enfants directement s'ils ont des amitiés toxiques, cela les implique trop émotionnellement et risque de les empêcher de prendre de la distance. En revanche, on peut leur demander s'ils ont déjà observé deux amis dont l'un serait un mauvais ami, et expliquer ce qui lui fait penser ça.
Le fait de parler de quelqu'un d'autre permet de prendre de la distance entre soi et l'idée, pour réfléchir à l'idée.
Imaginons d'ailleurs que votre enfant vous parle de deux amis:
"Franchement ce qu'il ou elle fait c'est pas bien, on ne fait pas ça à un ami.
- Qu'est-ce qui te fait penser ça?
- Que devrait-il ou elle faire?
- Tu penses que ce n'est pas un bon ou une bonne ami(e)?
- A quoi le reconnais-tu?
- Ce serait quoi un bon ami pour toi?
- Que devrait faire l'autre copine alors: ne plus être son ami? Lui dire franchement ce qu'elle pense?"
On laisse l'enfant proposer lui-même ses solutions. Il en sera l'acteur, c'est SON choix, SES valeurs. Ça aura beaucoup plus d'impact que dire à son enfant quoi faire.
L'amitié, un sujet universel
Ce n'est pas pour rien que depuis toujours on s'interroge sur l'amitié et que nous continuions à nous interroger.
Il faut donc permettre à l'enfant de poser les mots qui vont avec le mot ami. Un nuage de mots qui servira de guide pour lui. Ce guide ne viendra pas de nous, mais d'autres enfants, ce qui permet de le recevoir comme un partage d'idées sans forcer l'autre à changer d'amis et à remettre en question la personne qu'il aime.
Ce qui est intéressant et qui fonctionne bien, c'est de donner une image de cette amitié malsaine ou toxique.
Une activité pour imprimer le concept dans sa mémoire et le mobiliser dans sa vie.
Les enfants peuvent donner une image pour illustrer ce qu'est un bon ami.
L'enfant peut créer un nuage de mots qui reprend les différents critères de la discussion, soit en les écrivant, soit en les illustrant, mais ça deviendra son point d'ancrage pour observer ses relations.
Il va lui attribuer des caractéristiques, s'approprier la définition d'un bon ami et ne se laissera pas influencer. C'est sa propre définition qu'il aura forgé, en commun avec d'autres enfants ou bien en l'ayant pensé de façon autonome, et ils sortiront du rapport de force qu'ils entretiennent avec les adultes.
Être un bon ami.
Ceci étant dit, l'activité aura un autre bénéfice: permettre à votre enfant de savoir comment se comporter pour être un bon ami. Donc ça ne vise pas que les enfants persécutés, mais aussi ceux qui ont une position plus dominante, les rois et les reines de la récré pour utiliser une expression générale.
J'ai quand même peur pour mon enfant.
" Tu sais, je ne pourrai jamais t'empêcher de fréquenter quelqu'un. Tu as les clés maintenant pour savoir ce qu'est un bon ami et ce qu'il n'est pas. Tu as aussi les clés pour savoir comment tu peux réagir.
Moi je serai toujours là pour t'épauler si ça ne va pas, si tu as des craintes ou besoin d'en discuter."
Imaginons également que l'enfant ne tienne pas son engagement, qu'il n'arrive pas à se détacher de cette personne alors qu'il le souhaite, on peut leur demander ce qu'il craint, l'aider à poser ses émotions, et lui poser la question:
"Qu'est-ce qui est le plus important pour toi: garder cet ami de peur de le perdre? Ou choisir tes amis?"
Tu peux aider ton enfant dans cette démarche de réflexion et d'autonomie pour qu'il vive sa vie sans être influencé par les autres.
Les ateliers de philosophie en visio permettent de faire ce travail.
ATTENTION! FIN DES INSCRIPTIONS LE 30 SEPTEMBRE. IL NE RESTE QUE QUELQUES PLACES!
Découvre des outils d'animation pour parler de l'amitié avec les enfants
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